Par Magalie Rankin, du Journal étudiant LA GAZETTE DE LA FORÊT, de l’école secondaire d’Amos
-Polyvalente La Forêt, 1992
Andrée Isabelle, étudiante, sortait de l’ordinaire. Une coiffure extravagante, un style vestimentaire inhabituel et des passe-temps excentriques attiraient les rires. Dès le début de l’année scolaire, une rumeur sur elle animait les conversations de beaucoup de groupes d’amis. Ladite rumeur disait qu’Andrée Isabelle était une sorcière, une vraie sorcière qui signait des pactes avec le Diable et qui sacrifiait des orphelins. Andrée, de par sa nature gentille et douce, laissait ces propos malveillants loin derrière elle. Évidemment, les autres élèves, après avoir entendu des dizaines de rumeurs, tenaient ces histoires pour des vérités.
Après quelques semaines depuis le début des rumeurs, le casier d’Andrée fut vandalisé. Son numéro de case, le A00, a été rayé au crayon noir et modifié par le S66 inscrit à la main avec une encre rouge sang. Le S rouge de Satan greffé d’un 66 pour le chiffre du diable décorait dorénavant le casier d’une jeune fille innocente.
À la deuxième semaine d’octobre, on apprit qu’Andrée avait été suspendue de l’école, ce qui était une première depuis son début au secondaire. Le mot se fit passer parmi les élèves et se transforma : Andrée aurait été suspendue, car elle avait été surprise en train d’accomplir un rituel satanique.
Durant sa courte absence, un groupe de 5 élèves se sont donné comme défi d’ouvrir la case d’Andrée afin d’obtenir des preuves qu’elle était bel et bien une sorcière. Se cacher dans l’école jusqu’à ce que tous les employés quittent l’édifice était l’étape facile du plan. Lorsque tous les élèves se sont retrouvés devant la case de la sorcière, le plus courageux d’entre eux prit un énorme coupe-boulons et coupa le cadenas avec facilité. En ricanant, il tira sur la poignée, mais il fut tout simplement incapable de l’ouvrir. La porte était coincée, elle ne s’ouvrait pas, et ce, peu importe le nombre de personnes qui tiraient sur celle-ci. Les étudiants étaient perplexes. Pourquoi une simple case ne pouvait-elle pas s’ouvrir ? Arthur Bérubé, un des élèves présents colla son oreille sur les fentes d’aération. Une expression d’effroi pur se plaqua sur son visage. Lorsqu’il ordonna qu’ils partent, ses amis pensaient qu’il blaguait tout simplement. Les larmes sur le visage d’Arthur inquiétaient maintenant les autres élèves. Personne ne posa de question sur ce qu’Arthur aurait pu entendre pour qu’il change d’humeur si rapidement, alors tous sont retournés chez eux et ont profité de leur fin de semaine.
Le lundi 19 octobre, l’école fut interdite d’entrée. Aucun membre du personnel ni aucun élève ne pouvaient y accéder. De plus, de grandes traces de sang dans la salle des casiers ont été découvertes dans l’établissement par un employé de maintenance. Les pompiers ont mis plus d’une heure afin de dégager un corps inerte dans un casier. L’élève Arthur Bérubé a été retrouvé mort dans son propre établissement scolaire dans le casier A00 appartenant à Andrée Isabelle.
Durant la semaine, les policiers ont enquêté sur sa mort. Les caméras n’ont capté à aucun moment un élève dans l’école fermée. Ce décès a rapidement été déclaré accidentel, malgré les questions irrésolues. Comment est-il entré dans la polyvalente sans laisser de traces d’effraction ? Comment s’est-il retrouvé dans un casier qu’il ne pouvait pas ouvrir lui-même ? Quelle est la raison pour laquelle il s’est retrouvé coincé dans un casier beaucoup trop petit pour son physique au point de s’être tortillé dans tous les sens en allant même jusqu’à se fracturer plusieurs os ?
Les rumeurs circulèrent rapidement. Cette fois-ci, elles racontèrent que le casier A00 – ou S66 – était un portail pour le Diable. Le casier n’a jamais été revu, personne ne sait où il a été entreposé ou s’il a été détruit. Peut-être qu’Andrée Isabelle était une vraie sorcière, mais cela restera un mystère, tout comme ce qu’Arthur Bérubé a entendu ce soir-là de même que les circonstances entourant sa mort.